Le mauvais rêve américain
Une fiction? Certainement, l’auteur l’affirme. Néanmoins «La femme qui tenait un homme en laisse...» est un texte aussi essentiel qu’un souffle, aussi sincère qu’un cri. Yves Robert a pris le temps de réfléchir, d’imaginer, d’écrire. Vendredi au théâtre ABC, à La Chauxde-Fonds, la comédienne Christine Chalard a joué le rôle de Lynndie England, cette Américaine qui dans les prisons d’Abou Ghraïb a fait subir des humiliations à des détenus irakiens.

La voix du muezzin
Yves Robert plonge à cœur perdu dans l’indignation, dans la volonté de secouer la somnolence planant sur la guerre, d’appeler au secours. Il suit les méandres par lesquels la jeune femme a passé jusqu’à exorciser sa propre douleur dans le malheur des autres, jusqu’à se laisser submerger par la haine, la cruauté, puis par la honte. Yves Robert survole l’histoire contemporaine des Etats-Unis, on retrouve quantité de données édifiantes: crise de 1929, 1945, Vietman, ségrégation raciale, pratiques militaires. Il imagine l’enfance triste de Lynndie, en Oklahoma, dans une famille d’origine européenne. Et, plus tard, son engagement à l’armée, le départ en Irak, l’intégration à la «nouvelle unité pour la prison d’Abou Ghraïb»

Ethnographie et fiction
Petit à petit il attire l’attention de Lynndie England sur des mots qu’elle ne connaît pas: Mésopotamie, berceau de quelle civilisation? L’Euphrate, les minarets? Autant de scuds en puissance... Pourtant elle est touchée par la voix du muezzin. Cette soudaine sensibilité relèverait-elle de quelque rédemption? Elle ouvre certainement un espace où va se déployer la plus inédite des dramaturgies. L’ethnographie rejoint la fiction. La mise en scène est de Julien Barroche, la scénographie de Nicole Grédy. Le jeu de Christine Chalard est attachant. La jeune comédienne, en pleine ascension, rend la personnalité de Lynndie jusqu’au bout de chaque mot, de chaque geste.